Le fait que cet article sorte début décembre n’a aucun rapport avec d’éventuels achats à effectuer pour respecter de quelconques conventions sociales…
Tout le monde a ses pêchés mignons ; les kits de découverte des jeux de rôle sont l’un des miens (ce qui ne devrait pas être une surprise pour vous, fidèles lecteurs). Tous les outils mis à notre disposition pour s’initier ou transmettre la flamme sont pour moi le signe de la vitalité de notre passion et même si je tiens mes capacités de meneur en grande estime, pourquoi ne pas s’appuyer sur le matériel existant, surtout s’il est bien conçu ? Depuis l’année dernière, on en voit fleurir à intervalle régulier dans les rayons des librairies grand public ; fêtes de Noël obligent, ils ont la chance d’être exposés en tête de gondole comme idée cadeau entre les quiz geek et les escape games à domicile. La boite sobrement intitulées Jeux de Rôles attire immanquablement l’œil donc nous voici réunis pour un nouvel article (je suis faible…).
Spécialisée dans l’art de vivre, Solar Éditions se lance dans la grande aventure des jeux de rôle en confiant son bébé à une équipe très appréciée chez De Cape et de Dés : c’est en effet les auteurs et un des illustrateurs du jeu de rôle Knight qui sont à la barre. Pour l’habillage, William Bonhotal livre de magnifiques illustrations qui stimulent l’imagination. Avec un vieux loup de mer et un zombie clairement identifiés en couverture, on est immédiatement plongé dans l’ambiance. Paravent illustré recto verso (une face par univers), personnages, aides de jeu, tout est beau et aguicheur. Une franche réussite…
Côté écriture, Simon Gabillaud et Coline Pignat se prêtent à l’exercice périlleux de la vulgarisation rôliste… et ils s’en tirent avec les honneurs. Le livret « Comment jouer ? » (à la couverture étonnamment monochrome) explique la richesse des jeux de rôles avec concision en abordant chaque aspect dans de courts paragraphes. A la lecture, on imagine assez aisément les auteurs répondant à la volée aux questions de néophytes : rien à redire du côté pédagogie, à l’exception des « jeux » qui deviennent « jeu » passés la couverture et du chapitre « Comment bien jouer ? » dont le titre ne rend pas justice à son contenu.
Le système de jeu, qui complète le premier livret, est simple et intuitif. Pour les situations de jeu incertaines, on lance le dé à six faces (ou D6) fourni et on compare le résultat à la caractéristique utilisée (Corps, Esprit ou Sens) ; s’il est strictement inférieur, c’est une réussite. Les choses se compliquent un peu en cas d’opposition, avec une difficulté modulée en fonction de la caractéristique de l’antagoniste. C’est élégamment géré mais ajoute une couche de difficulté qui alourdit la mécanique (je m’en rend compte à la rédaction de ces lignes) et fait intervenir un deuxième d6… non fourni.
Les scénarios proposés sortent des sentiers battus par leur thématiques peu exploitées dans les produits disponibles actuellement : sans être franchement risqué, faire l’impasse sur le médiéval fantastique et l’horreur à la Lovecraft est audacieux pour de la découverte. Les aventures, présentées (astucieusement) têtes-bêches dans un seul livret, sont rédigées de manière claire et efficace, avec en préambule inspirations et conseils de mise en place et en conclusion les issues possibles, introduisant efficacement la douce incertitude qui règne autour des tables de jeux de rôles (et qui est trop souvent oubliée pour un dirigisme plus « confortable »).
Côté intrigues, si l’aventure pirate reste très classique sur ses thématiques et son déroulement, le scénario typé zombie est quant à lui une vraie surprise avec un dilemme final à proposer aux joueurs. L’ambiance n’est clairement pas légère et les auteurs ont pris la peine de rédiger une mise en garde sur le caractère potentiellement éprouvant (l’accent est mis sur la violence « graphique » mais le côté psychologique n’aurait pas dû être ignoré selon moi) des situations auxquelles les joueurs seront confrontés. Cela ne conviendra évidemment pas à tous les publics mais est pour le moins audacieux dans un tel produit.
Niveau matériel, c’est de l’excellent boulot. Outre des illustrations abondantes et magnifiques sur toutes les aides de jeux, les fiches de personnages (joueurs ou non) peuvent être pliées pour former un chevalet avec la partie technique pour soi et le portrait (ainsi que le nom) pour les autres ; le meneur pourra poser le pliage à cheval sur le bord du paravent pour garder les caractéristiques des antagonistes à l’abri des regards indiscrets. En plus d’être pratique, cette simple astuce permet à tous les joueurs de s’immerger dans l’ambiance facilement en ayant les supports visuels accessibles pour tous en un clin d’œil.
Malgré quelques déceptions mineures (outre celles déjà évoquées, le paravent format portrait…), Jeux de Rôle est une excellent porte d’entrée pour découvrir ce loisir si plaisant. Pour moins de 15 € , vous avez un produit de qualité avec des thématiques originales et du matériel beau et malin. En l’état, la boîte s’adresse à des adolescents / jeunes adultes pour une utilisation en totale autonomie mais un meneur expérimenté aura tout sous la main pour faire jouer un public plus large avec une base plus que solide, en particulier pour des démonstrations en public où les supports visuels sont primordiaux. Bref, pour peu que vous en ayez l’utilité, vous pouvez l’acheter les yeux fermés… Sinon vous pourrez toujours retrouver Simon, Coline et William dans la gamme Knight, dont la dernière campagne est en financement participatif actuellement.
En bref :
Jeux de Rôle est un jeu de Simon Gabillaud et Coline Pignat, illustré par William Bonhotal et édité chez Solar