Osez jouer !

Critiques en toc ?

Ces derniers temps, j’ai envie d’écrire des billets d’humeur : certainement un surplus de bile à évacuer…

Les passionnés de jeu de société ont tout pour être heureux : une production pléthorique, (plutôt) de qualité, une recrudescence de lieux et d’évènements pour pratiquer, et une myriade (trois mots qui claquent en une phrase, j’ai bien rentabilisé mon dictionnaire de synonymes) de canaux pour se renseigner. Vraiment ? Pour ce dernier point, je m’interroge et le fait d’écrire pour le blog d’une association ludique n’est pas étranger à ces réflexions.

Un contributeur typique de la Rédaction au boulot…

Quantité ne veut pas dire qualité

Entre les blogs, les réseaux sociaux, les vidéos ou les magazines papier (croyez-le ou non, il en existe encore ! ), le ludiste curieux ne manque pas de sources pour trouver des informations sur les jeux qui l’intéressent. Je pourrais me féliciter d’une telle richesse si mes lectures n’étaient pas aussi décevantes dans l’ensemble, la faute à une formule d’article appliquée sans originalité et à des avis qui ne cherchent à froisser personne.

Au gré de mes recherches, 8 articles sur 10 (chiffres de l’institut Doigt Mouillé©) me semblent sortir du même moule : généralités, règles et avis. On pourrait tout à fait se contenter d’un tel canevas, qui semble contenir toutes les informations nécessaires, mais il est loin d’être satisfaisant quand il ne livre rien de plus (ou alors de manière fort synthétique comme Grumpy Old Player, qui résume le tout en une image avec une touche de sel fort réjouissante).

La partie consacrée aux règles est souvent la plus copieuse de l’article… mais loin d’être la plus digeste. Écrire un livret de règle compréhensible n’est pas chose aisée et les rédacteurs essayent bien souvent de retranscrire à leur sauce un texte qui a été expurgé de tout élément inutile, les obligeant à rajouter des périphrases et autres circonvolutions stylistiques pour ne pas avoir l’air d’avoir copié / collé. Comme il faudra forcément en repasser par la lecture des règles, pourquoi se les infliger de manière lourdingue dans une critique ?

Même si je passe directement à la dernière partie pour connaître les conclusions du testeur, je m’épargne la crise de foie pour aller directement sous la douche froide… ou plutôt la douche tiède tant les avis sont d’un consensuel achevé, quand les chroniqueurs n’esquivent tout bonnement pas la question. A grand coup d’euphémismes particulièrement hypocrites (attention quand vous lisez « familial » ou « pour débutants »), on tente de nous faire croire que tous les jeux abordés sont « bons si vous êtes la cible » : c’est franchement suspect.

Pour écrire sur Keyforge, je me suis appuyé sur les « experts » maisons.

Un contexte particulièrement contraignant

Au vu de ma propre production (de qualité supérieure, bien entendu), il m’est apparu quelques différences fondamentales pouvant expliquer cette « homogénéité prudente » des critiques de jeux. La première, c’est la visibilité : quand on cherche à se faire référencer pour l’égo ou la YouTube Money , on choisit ses sujets avec soin en essayant de ratisser le plus large possible. Comme le LudiGame© (deux copyrights dans le même article, que je suis créatif) ne donne pas spécialement l’occasion de tragédies ou de polémiques génératrice de trafic, il faut attirer l’attention autrement. Donc on fait comme pour les jeux vidéos, on encense les productions des gros éditeurs pour s’assurer un public flatteur ou rentable, selon ses objectifs.

Maintenant que le parallèle avec les jeux vidéos est dressé, continuons sur la lancée avec la deuxième différence fondamentale : l’indépendance financière. Pour se démarquer ou par volonté de bien faire, les critiques investissent temps et argent dans leur articles avec l’espoir d’un retour quelconque par le mécénat du public ou par les partenariats. Sachant que le ludiste moyen dépense ses sous en boites qu’il empile, il faut compter sur les partenariats pour maintenir la motivation (à défaut de renflouer la trésorerie). Et comme les éditeurs « payent » en jeux, la tentation est grande de se montrer complaisant pour remplir ses étagères, au risque d’être dépouillé de sa liberté éditoriale.

Il serait effectivement naïf de croire que les cadeaux consentis par les éditeurs sont acquis, peu importe ce que les chroniqueurs jeux pensent de leurs productions : si un critique reçoit en avant-première un gros jeu lancé en financement participatif, ce n’est pas pour qu’il le descende en flammes. Si son « travail » ne génère pas de plus-value pour l’entreprise (dont le but est de créer de la richesse, il ne faut pas l’oublier), elle mettra fin à leur collaboration et ira voir ailleurs (les candidats ne manquent pas). Sans compter que l’actualité dicte les jeux à mettre en avant, dépouillant les rédacteurs du choix de leur sujet après les avoir restreints dans leur liberté de jugement.

Un an et demi et des dizaines de parties avant de critiquer Terraforming Mars.

Les mains liées ?

Dans ce contexte, il semble difficile de pouvoir se fier aux avis que l’on trouve sur Internet, non ? Malheureusement je ne peux pas vous donner de réponse absolue, qui vous permettrait à coup sûr de trouver la référence ultime pour ne jamais vous tromper dans vos achats ludiques (je ne suis moi-même pas exempt de biais même si Terraforming Mars est objectivement un pur chef d’œuvre…). En revanche, voici quelques critères d’évaluation que j’utilise pour mesurer la confiance que je peux accorder à une critique (et vous pouvez les utiliser également pour les miennes) :

• où est-elle publiée ? Un site qui a quelque chose à vendre ou dépend de son public a tendance à dire ce qui lui sera le plus profitable
• est-elle sponsorisée ? Difficile d’être objectif quand on parle de son mécène
• est-elle d’actualité, voire une avant-première ? Il n’est pas évident de se faire un avis après un nombre limité de parties ou sur un jeu non finalisé
• exprime-t-elle un avis clair ? L’abus de périphrases et d’euphémismes peut servir à combler le vide

Mais la meilleure critique pour soi-même reste l’expérience personnelle : il n’y a qu’en le pratiquant (de préférence plusieurs fois) que vous saurez si un jeu vous plaît ou non. Et si la perspective d’un « mauvais achat » vous perturbe, il y a des solutions pour s’amuser à peu (voire pas) de frais.

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