A la base, j’avais prévu de partager avec vous le second opus de mes cogitations rôlistes mais je ressens le besoin de discuter d’un tout petit rien qui me chiffonne : l’état du cinéma de genre en France. Autant vous prévenir de suite, je ne suis pas du milieu donc tout ce qui va suivre fleure bon le ressenti 100 % subjectif mais je me plais à croire que vous n’êtes pas ici pour de l’information professionnelle (ou alors je sous-estime grandement le rayonnement et le crédibilité de De Cape et de Dés).
Alors que je faisais ma consultation Facebook nocturne, je tombe sur une suggestion de publication du site scifi-universe (ils parlent aussi de jeu de rôle, c’est vous dire s’ils sont cool) annonçant la sortie d’un film français indépendant, Virtual Revolution. Pour la faire courte, c’est du cyberpunk avec lot d’ambiance noire, corporation vs hackers, black-ops, réalité virtuelle et questionnements sur l’hyperconnection.
Alléchant non ? Ce petit bijou a fait internationalement le tour des festivals de film fantastiques où il a raflé pléthore de prix (18 pour être précis, plus 13 nominations) et il débarque enfin dans les salles françaises où vous pouvez l’admirer depuis hier (le 12 octobre 2016) dans pas moins de… quatre salles. Si vous n’habitez pas à proximité de Paris, Berck ou Aubagne (ce qui est mon cas), vous n’aurez pas l’occasion de le savourer sur grand écran.
Monter ce film a été une aventure en soi. Son réalisateur Guy-Roger Duvert, qui porte aussi les casquettes de producteur, scénariste et compositeur de la bande-originale, a dû boucler son budget aux États-Unis (où il travaille principalement) alors qu’il avait dans ses valises un court-métrage auréolé de nombreux prix, Cassandra. Faute de distributeur, il a assuré la promotion française de son long-métrage lui-même, allant jusqu’à démarcher les cinéma en personne.
Voilà où je veux en venir : il n’y a pas de place en France pour ce genre de projet. En tout cas, l’industrie du cinéma hexagonale estime que ce genre de projet est trop risqué pour mettre des billes dedans et le promouvoir. L’une des rares exceptions reste Luc Besson et sa boite de production Europacorp (dont on pense qualitativement ce que l’on veut) qui doit bien être le seul à rester sur le créneau contre vents et marées (preuve en est son futur Valérian).
Pourtant il y a un public pour ce cinéma là, sinon comment Luc Besson pourrait-il continuer sa petite entreprise ? Pourquoi les blockbusters américains font-ils le plein sur des thématiques similaires ? Les moyens seuls n’expliquent pas tout puisque Virtual Revolution, du haut de ses 3 millions d’euros de budget (comparativement, le Valérian de Besson est annoncé à 170 millions, Captain America : Civil War en a coûté 250), ne ressemble pas à une cinématique fauchée de jeu vidéo, loin s’en faut.
Mon sentiment sur la question (on passe à la phase opinion) est que le monde du cinéma français estime, dans sa grande majorité (donc une grande partie de l’argent disponible également), que seuls les comédies et les polars fonctionnent auprès du public et que le cinéma fantastique (dans son acceptation la plus large) est indigne de lui artistiquement. Même avec un contre-exemple vivant sous le nez (Luc Besson, dont la personnalité et le discours sur le cinéma irritent dans le milieu).
C’est ainsi que l’on se retrouve inondé par des comédies pré-formatées qui sont censées assurer des revenus confortables à leur producteurs et aux exploitants grand public (Bienvenue chez les Ch’tis a fait du mal sur ce point-là) et qu’un film de genre indépendant ne trouve pas sa place en Art et Essai (hors festival dédié). Et la situation n’est pas prête d’évoluer tant que des films comme Les Nouvelles Aventures d’Aladin (avec l’inénarrable Kev Adams) continuent d’être des succès au box-office…
Mis à jour après le commentaire de Guillaume, qui apporte un regard éclairé sur le sujet: lisez-le!