Cette semaine, la rédaction du site s’est offert une petite pause histoire de préparer Japan Tours Festival sereinement. Pour vous faire patienter, un historique romancé d’un de mes personnages de jeu de rôle.
Yun-Ju, le Nuage de Fer de Lao
« Ta vie s’arrête ici, Boucher. »
Cette phrase, Yun-Ju l’avait entendue des dizaines de fois et elle était aussi douloureuse qu’au premier jour. Il ne niait pas avoir tué, plus qu’il ne l’aurait voulu ou imaginé, mais ce carnage qu’on lui attribuait n’était pas de son fait. Ses compagnons et lui-même avaient tout tenté pour éviter une telle infamie mais le Premier Ministre avait décidé que le Qin avait besoin d’envoyer « un message fort » à tous ceux qui voulaient s’opposer au royaume légiste. Et d’un ordre, Quzhy fut rayée de la carte…
Depuis ce jour, il essayait désespérément de faire disparaître cette sinistre réputation qui le précédait dans tous les royaumes. Il avait plaidé la clémence dans le procès du Grand Canal, obtenu la reddition sans violence de Pin-Yang, négocié la paix dans la Vallée Endormie, défendu et reconstruit Handan, rien n’y faisait. Il ne pouvait lutter contre la propagande du tout-puissant censorat, qui se servait de tous ces haut-faits pour asseoir la puissance du Qin : son nom et sa renommée ne lui appartenaient désormais plus.
Cette situation n’avait pas que des mauvais côtés. Il jouissait d’une telle notoriété qu’il vivait confortablement dans le palais d’un gouverneur, à l’abri de tout besoin matériel. Il était reçu dans les hautes sphères et les meilleures maisons comme un grand seigneur, choyé pour le prestige qu’il accordait à ses hôtes par sa simple présence. Son avenir aurait pu être assuré si la guerre ne venait régulièrement faire planer son ombre menaçante sur les frontières de la province dont il avait la charge.
Il était loin le temps où il pourfendait les bambous dans la forêt, pendant que son frère dessinait la nature environnante. Il s’imaginait être un preux chevalier engagé dans quelque histoire pleine d’exploits et de panache, et que son frère portait un quelconque intérêt à ses envolées héroïques. Chaque jour il s’abreuvait de l’enseignement de Maître Main Gauche pour devenir ce guerrier de légende dont on chanterait les exploits pour l’éternité, faisant l’admiration de tous. Quand la conscription fut décrétée, il saisit sa chance…
La guerre mit un terme brutal à tous ses rêves de grandeur. Il découvrit avec amertume la réalité des soldats engagés dans des combats sans fin, menés par des officiers incompétents et décidés par des seigneurs orgueilleux. La fatigue, la peur et la mort allaient devenir ses seules compagnes, à mesure que ses frère d’armes tombaient sous les flèches et les lames ennemies. Fils de petites gens comme lui, ils n’avaient pas eu la chance de pratiquer les arts martiaux avant leur incorporation et partaient au combat en sachant à peine tenir leurs armes.
Quand vint l’heure de la démobilisation, Yun-Ju était devenu Le Nuage de Fer de Lao, frêle et dérisoire rempart entre ses compagnons et la mort. Ses camarades l’avaient surnommé ainsi pour sa capacité à surgir de nulle part pour couvrir leur retraite ; il le porterait comme le souvenir cuisant de ses illusions emportées par le torrent furieux de l’existence. Pour achever cette farce cruelle dont il était le malheureux héros, il revenait seul au pays avec pour tout bagage des avis de décès, confiés par un fonctionnaire peu scrupuleux.
L’histoire de Yun-Ju aurait pu s’arrêter à son retour, convaincu par son effroyable expérience que seule une vie paisible pouvait apaiser les blessures de son âme. Il se voyait déjà reprendre l’affaire familiale avec son frère et finir ses jours tranquillement, si la guerre voulait bien épargner sa province. Il ignorait alors qu’il croiserait la route d’une intrigante et aventureuse jeune femme, qu’il ne voulait pas laisser voyager seule jusqu’à la ville voisine. Cette décision, dictée par une passion incontrôlable, allait faire de lui un Boucher de Quzhy.
« Je suis Marteau Grondant et j’écrirai ma légende avec ton sang. »
Le colosse qui lui faisait face avait la fougue et l’insouciance de la jeunesse. Sa posture et ses mots avaient l’arrogance de ceux qui n’ont jamais connu l’échec ou le désespoir. S’il y avait une chose que Yun-Ju avait appris de ses années d’errance, c’est que les survivants ont conscience leurs propres limites pour mieux les affronter. De toute évidence, son adversaire ignorait tout du poids de l’existence quand on est le jouet des évènements. Et il serait vaincu comme tous ceux qui l’ont précédé : quand les dieux ont de jolies marionnettes à tourmenter, ils ne coupent pas leurs fils si facilement.
Lu Yun-Ju, le Nuage de Fer de Lao, est le personnage que j’incarne dans une campagne du jeu de rôle Qin. Les croquis sont de mon crû et réalisés en cours de partie (ce qui explique leur aspects grandement inachevés).
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